Patricia
En Inde, le maître est comparé à un artisan qui façonne un pot en cuivre en le martelant à l’extérieur tout en le maintenant à l’intérieur. Adda Bentounès, un cheikh soufi du début du XX° siècle, le disait autrement : « Lorsque l’élève arrive, il est comme un arbre qui vient d’être coupé dans la forêt. Il est rugueux et d’étape en étape, de la découpe au polissage, il devient le bâtonnet avec lequel on passe le khôl entre les deux paupières. » J’en étais à l’arbre rugueux et Arnaud était un expert en ébénisterie, mais il pratiquait en plus – heureusement pour moi – l’art de l’émondage. La voie dans laquelle je m’étais engagé tenait compte de la personne dans tous ses aspects, à commencer par les plus grossiers. Mais pour les transformer, il fallait tout d’abord reconnaître qu’ils étaient là. « Le défaut, me disait Arnaud, c’est que vous êtes trop sérieux, trop appliqué, trop méticuleux et poli. C’est difficile parce que cela apparaît comme des qualités. » Il insistait sur le mot « trop ». Ces « qualités » qui me rendaient des grands services dans l’existence devaient maintenant être battues en brèche au nom de mon propre épanouissement.
Mangalam, un parcours auprès d’Arnaud Desjardins, le Relié (p. 173).
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